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(2) LES ÉTATS GÉNÉRAUX DU PROGRÈS SOCIAL : contribution

(2) LES ÉTATS GÉNÉRAUX DU PROGRÈS SOCIAL : contribution

Assemblée générale de la section, 3 février 2018

 Texte de Bernard Lamizet

  1. Signification des États généraux

Les « états généraux » sont une figure de la politique française depuis 1789. Les états désignaient, dans l’Ancien régime les assemblées régionales appelées, en particulier, à prendre des décisions dans le domaine de la fiscalité. Réunis assez rarement (les dernies l’avaient été au début du XVIIème siècle), les « états généraux » rassemblaient des représentants de l’ensemble des régions. Ils avaient été convoqués par Louis XVI en 1789 pour prendre des décisions sur la fiscalité de l’ensemble du royaume, et l’on sait ce qu’ils sont devenus. Depuis, la figure des « états généraux » désigne les réunions de concertation et d’appréciation des situations. C’est ainsi qu’en 1981, des « états généraux de la recherche » avaient été réunis, dans les régions, à l’initiative de J.-P. Chevènement pour associer les chercheurs et la société civile à l’élaboration d’une politique de la recherche.

Les « états généraux du progrès social » désignent aujourd’hui une assemblée destinée à collecter un ensemble de propositions venues des régions et des sections du P.C.F. pour apprécier la situation présente dans l’ensemble des domaines qu’ils couvrent, pour élaborer une critique argumentée de la politique engagée par E. Macron et son gouvernement et pour exprimer des propositions destinées à la conception d’une autre politique/

  1. Les champs des États généraux : un état des lieux

En parcourant les thèmes des États généraux, on peut apprécier les domaines dans lesquels doit porter une véritable politique. On pourrait dire que les cinq thèmes de ces « États généraux » représentent l’ensemble des thèmes sur lesquels porte l’urgence de définir une nouvelle politique, l’ensemble des domaines dans lesquels le pays manque de vision et de projet politique. Deux points, en particulier, traversent l’ensemble de ces domaines, comme une sorte de « fil rouge » qui fait apparaître une crise politique d’ensemble : la précarisation et les excès du libéralisme.

La précarisation peut se lire comme une approche sociale de l’insécurité : qu’elle concerne l’emploi, le logement, les entreprises et les industries ou l’État et les services publics, la précarisation est la grande logique de la droite et du libéralisme. Il s’agit, pour les détenteurs des capitaux, pour les dirigeants, pour les responsables politiques, d’asseoir leur pouvoir et de fonder leur hégémonie sur l’affaiblissement de ceux sur qui s’exerce le pouvoir et sur leur dépendance.

Le libéralisme, qui est la grande orientation politique de l’économie contemporaine, consiste à la fois à affaiblir les États, à ne plus soumettre l’économie au politique et aux volontés populaires et à donner tout le pouvoir au capital et à ceux qui le détiennent. À cet égard, l’élection d’E. Macron a constitué une sorte d’achèvement de l’engagement du libéralisme dans notre pays, car même la droite avait, jusqu’alors, reconnu l’importance de l’autorité de l’État.

  1. Travail et emploi

La lutte contre la précarité est devenue l’urgence, aujourd’hui, dans le domaine de l’emploi. Ce que montrent les États généraux du progrès social dans ce domaine, c’est « l’affrontement de deux logiques », fondamentalement antinomiques : d’un côté, enrichir le capital et en assurer la croissance, et, de l’autre, « libérer le travail de chacun » et « permettre au salarié de se réaliser dans son activité professionnelle ». Finalement, ce qui fonde la politique communiste, c’est rendre son sens au travail, au lieu, comme l’entend le capitalisme contemporain, de le réduire à une fonctionnalité sans signification et de réduire les travailleurs à de simples automates – un peu comme le Charlot des « Temps modernes ».

Mais la lutte contre la précarité, c’est aussi l’élaboration d’une politique visant à éradiquer le chômage. Pour cela, il importe de ne plus concevoir les suppressions d’emplois comme des fatalités auxquelles on ne peut rien, mais de bien se rappeler trois éléments majeurs : d’une part, il importe de ne plus faire reposer les politiques de l’emploi sur l’opposition entre Nord et Sud et sur le transfert des emplois vers les pays du Sud où les salaires sont moins élevés ; d’autre part, il importe de garantir une diminution effective de la durée du travail, à la fois pour permettre aux salariés de ne plus être exploités et pour susciter la création de nouveaux emplois ; enfin, il importe de se rappeler que le travail contribue à fonder et à exprimer l’identité de celui qui le met en œuvre, et que, par le travail, nous devenons des citoyens.

  1. L’État et les services publics

La dégradation des services publics et l’affaiblissement de l’État sont une autre urgence contemporaine liée à la montée du libéralisme. En se fixant pour son quinquennat l’objectif de réduire les dépenses publiques de soixante milliards d’euros, E. Macron montre son intention de réduire le rôle de l’État dans la société. Il s’agit, à la fois, de diminuer la dépense publique afin de réduire la fiscalité, notamment celle des entreprises et du capital, et de réduire la place de l’État dans l’espace social, afin d’y réduire l’emprise du politique et des décisions publiques.

L’austérité budgétaire n’est ainsi pas seulement une politique économique visant à réduire la dépense publique, mais aussi une politique visant à fragiliser et à précariser les services publics en diminuant le rôle de l’État dans la société. Mais, au-delà, ce dont il s’agit aujourd’hui, c’est de changer l’orientation des politiques budgétaires publiques : au lieu de consacrer le budget au remboursement des intérêts de la dette, il s’agit de le consacrer à la rémunération des agents de l’État et à la croissance de la fonction publique, en particulier dans les domaines dans lesquels son intervention est reconnue par tous : l’enseignement, la santé, la défense et la sécurité.

Les États généraux du progrès social proposent, notamment, d’orienter la politique de l’Union européenne vers le développement des services publics à l’échelle de l’Europe, par l’institution d’un fonds européen pour le développement des services publics, démocratiquement conçu et dirigé et alimenté par les fonds de la Banque centrale européenne, qui jouerait ainsi pleinement son rôle de banque publique, au lieu de ne servir qu’à alimenter les fonds privés. 

  1. L’industrie

Il faut repenser la politique industrielle de quatre façons : il faut imaginer de nouvelles industries et de nouveaux modes de production, il faut concevoir une nouvelle logique internationale de l’industrie, il faut repenser la place de l’industrie dans l’environnement, il faut repenser les formations, les qualifications et les statuts.

Les nouvelles industries et les nouveaux modes de production désignent les domaines dans lesquels l’industrie n’est pas encore pleinement présente, mais dans lesquels, au contraire, il importe d’imaginer de nouveaux projets, notamment dans le domaine des nanotechnologies, dans le domaine des technologies de l’information et dans le domaine des nouvelles énergies, moins polluantes.

Une nouvelle logique internationale de l’industrie consiste à repenser les relations entre les pays du Nord et les pays du Sud et à cesser d’exploiter les travailleurs des pays du Sud pour mieux précariser les travailleurs des pays du Nord. Mais une telle politique consiste aussi à mettre fin à l’éloignement des centres de décision et à la soumission des industries au pouvoir des acteurs financiers internationaux tellement éloignés qu’ils en deviennent invisibles.

Repenser la place de l’industrie dans l’environnement, cela passe, en particulier, par trois éléments : d’une part, il faut imaginer des industries qui ne soient plus polluantes et qui ne dégradent plus les paysages ; d’autre part, il importe que les industries s’inscrivent pleinement dans des politiques écologiques ; enfin, les politiques de transports et de circulation doivent, elles aussi, cesser d’être polluantes et permettre une meilleurs insertion des industries dans leur espace.

Repenser les formations, cela consiste à mieux articuler les formations et le devenir des emplois et des qualifications, à assurer une meilleure reconnaissance des qualifications et de l’accroissement de leur niveau par les statuts des travailleurs et par leurs rémunérations, et, enfin, à imaginer de nouvelles formations permettant aux salariés de faire face aux emplois de demain.

  1. S’attaquer au coût du capital

Le communisme doit repenser « l’utilisation de l’argent ».

D’abord, il importe de soumettre les entreprises comme tous les citoyens à une fiscalité équitable, au lieu de libérer les entreprises de leurs obligations au nom d’une responsabilité qu’elles ont cessé depuis longtemps d’exercer dans le domaine de l’emploi. C’est ce que l’on appelle « mettre fin à l’emprise du verrou du Bercy ».

Par ailleurs, il importe de soumettre l’usage du capital à des usages fondés sur une politique économique démocratiquement conçue, c’est-à-dire décidée par la volonté populaire. Les États généraux du progrès social consistent aussi à élaborer de nouveaux modes de choix et de décision concernant les usages du capital.

D’une façon plus générale, il importe aujourd’hui, de donner une nouvelle orientation à l’usage du capital : au lieu de ne le consacrer majoritairement qu’à la rémunération de ceux qui en sont porteurs, il faut l’orienter justement vers l’élaboration de nouvelles politiques industrielles, de nouvelles politiques énergétiques, de nouvelles politiques d’aménagement de l’espace. Finalement, il faut remplacer un capital de profit par un capital d’usage.

  1. La politique du logement

Concevoir une autre politique du logement articulant qualité du logement, politique de la ville et relation entre le logement et son environnement. Le logement, qui est un « droit humain fondamental » doit, lui aussi, cesser d’être précaire. Une nouvelle politique du logement devrait prendre cinq formes.

D’abord, une politique de l’offre : s’il y a aujourd’hui deux millions de demandeurs de logement pour seulement 80 000 logements offerts, c’est qu’il importe de construire de nouveaux logements en quantité, et pas dans des « grands ensembles », mais dans des espaces qui soient de véritables espaces d’habitation, qui ne soient pas des espaces d’aliénation, mais des espaces dans lesquels on ait plaisir à vivre.

C’est pourquoi, par ailleurs, il faut imaginer une politique de l’aménagement de l’espace : cela passe, en particulier, par une meilleure répartition des logements dans les espaces, par une meilleure politique de transports en commun et par une véritable politique du logement associé à la conception de nouveaux espaces publics.

D’autre part, il importe de mettre fin à la précarité dans le domaine du logement par l’élaboration d’une véritable économie politique du logement, s’inscrivant, en particulier, dans la garantie de loyers raisonnables et non soumis à la seule contrainte du profit des bailleurs, et dans l’élaboration de régulations des prix du logement fonder sur la concertation entre logeurs et usagers.

Par ailleurs, les États généraux inscrivent le logement comme un des éléments du progrès social : il s’agit de faire reconnaître le logement comme un des éléments qui fondent la vie familiale et la vie sociale et qui permettent de mettre fin à la précarité dans ce domaine comme dans les autres.

Enfin, d’une façon générale, les États généraux du progrès social doivent faire reconnaître que le logement est devenu un des droits de l’homme, qu’il a fini par acquérir une dimension pleinement politique, justement, à cause de l’emprise du libéralisme à laquelle il importe de mettre fin.

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